11 juillet 2011

Venir au monde de Margaret Mazzantini




"Peut-être trouverions-nous une autre vie dans les fonds marins. 
Des poissons, pensai-je, nous ne sommes que des poissons, aux branchies qui s'ouvrent et se referment... 
une mouette vient et s'empare de nous, puis, tout en nous démembrant, nous emporte dans le ciel. C'est peut-être ça, l'amour."


Certains livres m'ont fait pleurer.
Je me souviens avoir versé mes premières larmes à la lecture de l'écume des jours de Boris Vian.
J'avais 15 ans.
A l'époque, les livres me dérangeaient, m'énervaient, m'agaçaient.
Je subissais, pages après pages.
Un jour, le professeur de français est arrivé en cours avec une liste complète 
d'une centaine d'ouvrages imprimée sur une feuille A4.
Nous devions tous choisir une oeuvre en vue d'une analyse et d'un exposé.
J'ai grimacé.

Mon premier choix s'était fixée sur Terre des hommes de Saint-Exupéry.
Mais trop tard. Un camarade de classe, plus réveillé que moi, l'avait déjà sélectionné.
J'ai poursuivi, totalement perdue devant tous ces auteurs
et ces titres qui ne réveillaient en moi aucune étincelle.
J'enrageais, je ruminais, je paniquais, je désespérais.
Puis miracle, merci.
L'écume des jours s'est offert à moi.
Un titre lumineux, nostalgique et un léger goût de sel qui me plaisait.
C'est ainsi, qu'à l'âge de 15 ans, pour la première fois de ma vie,
un livre m'amenait à des sensations et des émotions extrêmes.
J'ai refermé l'écume des jours en sanglots, le coeur battant,
et surtout avec une envie folle,
sauvage et effrénée de découvrir d'autres romans.
La folie des livres prenait son envol.

En ce mois de juillet, d'autres larmes sont arrivées.
Elles sont nées à la lecture de Venir au monde de Margaret Mazzantini.

A Rome, un matin de 2008, Gemma monte à bord d'un avion
avec son fils de seize ans, Pietro, à la découverte de la ville où il est né
et sur les lieux où est mort son père, Diego, qu'il n'a jamais connu.
Destination: Sarajevo.
Ville frontière entre l'Occident et l'Orient, meurtie par un passé encore brûlant.
A l'aéroport les attend Gojko, poète bosnien, ami fraternel qui, à la joyeuse époque
des Jeux olympiques d'hiver 1984, présenta à Gemma l'amour de sa vie, Diego,
le photographe des flaques.
Ce voyage à la recherche des origines est aussi l'occasion pour Gemma de régler
ses comptes avec le passé.

Voici plantés les éléments avec lesquels l'auteur construit son roman.
Une histoire d'amour poignante entre deux êtres qui s'aiment et que la vie va secouer.
Une histoire de guerre poignante et la quête éperdue d'une femme pour devenir
mère dans une ville dévastée par la guerre.

Ce voyage de Gemma vers son passé, Margaret Mazzantini le raconte dans un long monologue, 
à fleur d'émotion, avec des zooms effrayants sur le siège de Sarajevo.
Coup de poing au coeur.
Les larmes n'ont pu être retenues.


Extraits:

"Il est écrit sur son passeport qu'il est né à Sarajevo. Il pense que cette ville est un no man's land où j'ai échoué par hasard, pour suivre un père qu'il n'a pas connu. Une seule fois, il m'a demandé comment il était né. Il était en neuvième, il fallait qu'il raconte sa naissance dans un devoir. Nous avons collé une photo de lui, bébé, sur une feuille cartonnée. "Qu'est-ce que j'écris, maman ?"
(...) Puis j'ai vu son devoir affiché avec ceux des autres enfants sur le grand tableau scolaire de fin d'année. (...) J'ai fait face aux mots de mon fils, un gobelet d'orangeade à la main. Il avait décrit une naissance banale et douceâtre. Et cette banalité m'émouvait. Nous étions comme les autres - moi, une maman "très douce", et lui, un "nouveau-né joufflu". Notre histoire absurde se perdait parmi tous ces récits de naissances normales, aux rubans bleus et roses. Il avait inventé cela mieux que moi. Aussi maigre que son père, le visage pâle du citadin, tournant vers moi ses yeux paisibles de parfait complice, il m'a lancé: "ça te plaît, maman ?"
Une de mes larmes a coulé dans l'orangeade."

"Sebina aimait les poèmes de son frère, mais elle posait trop de questions.
Il lui répondait: "Les poèmes ne s'expliquent pas. Quand ils atteignent le bon endroit,
tu les sens, ils grattent au fond de toi."
- C'est quoi le bon endroit ?
- Cherche-le."

"Elle parle maintenant de Janis Joplin. Elle se rembrunit. Elle a cessé de manger,
elle regarde droit devant elle.
- De temps en temps, au ciel, Dieu montre quelqu'un du doigt et lui dit:
"Toi, viens avec moi."
On ne peut pas dire non à Dieu. Il s'immisce dans votre corps, il vous déchire l'âme.
C'est pour supporter Dieu que Janis se droguait."

5 commentaires:

  1. Magnifique livre, effectivement.

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  2. Bonjour,

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    Bien amicalement,

    L’équipe Grain de Raisin

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  3. je viens de terminer ce livre et j'en sors toute bouleversée. C'est un livre qui ne marquera, un livre que je relirai certainement un jour, et que je vais conseiller autour de moi. Bel été
    sylvie

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  4. Sylvie: oui, c'est un livre à garder précieusement. Je ferai certainement comme toi. Un jour, je le relirai...Certaine que le petit coeur battra à nouveau la chamade.
    Bien du soleil par chez toi.

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